08/11/2014
La crise à Jérusalem et le projet du "Troisième Temple"
Le projet, visualisé par l'Institut du Temple.
Violences, arrestations... La tension monte sur fond de crise économique et sociale, mais prend une coloration religieuse susceptible de s'internationaliser :
Même le prudent roi de Jordanie commence à protester contre les irruptions d'officiels de la droite israélienne (ministres ou députés) comme Moshé Feiglin, Uri Ariel ou Miri Regev, qui viennent prier sur l'esplanade des mosquées en proclamant que ''le Troisième Temple y sera bientôt construit'' : ce qui revient à déchirer le statu quo, selon lequel l'esplanade était accessible aux juifs s'ils n'y disaient rien de religieux. Les laïques subsistant dans les milieux dirigeants israéliens s'inquiètent de ces provocations délibérées : elles sont d'autant plus mal supportées, par les Palestiniens, que des nationaux-religieux juifs s'installent dans les quartiers arabes de Jérusalem-Est. Ce qui a pour effet d'attirer, en réplique, des militants du Hamas...
L'exaltation des ultras israéliens sur le ''Temple à reconstruire'' s'appuie sur des initiatives amorcées de très longue date. Certaines sont extrémistes, tel le mouvement des Fidèles qui veut commencer par la destruction de la mosquée Al-Aqsa : d'où plusieurs essais d'incendie, dont le tout premier fut commis par un fondamentaliste protestant australien en 1969.
D'autres entreprises se veulent modérées. Leurs propos sont d'autant plus significatifs. Ainsi le Machon HaMikdash ("Institut du Temple", dans la vieille ville de Jérusalem) qui se présente comme un lieu d'exposition du futur mobilier liturgique. En 2002, son président d'alors, Jean-Marc Rosenfeld, avait donné à la revue catholique Kephas une interview recueillie par le dominicain Olivier-Thomas Venard, de l'Institut biblique de Jérusalem. Extraits des explications de M. Rosenfeld sur la future reconstruction du Temple :
<< Nos soutiens viennent non seulement du monde juif, mais aussi du dehors, puisqu'aux Etats-Unis, par exemple, plusieurs courants nous aident déjà pour cette préparation à la connaissance et à la construction... >>
<< La paix mondiale ne se générera que par le Temple... >>
Et le casus belli que constitue un tel projet sur le site des mosquées, vénéré du monde musulman ? Réponses :
<< L'emplacement que Dieu a choisi est la pierre de fondement du monde... On ne peut concevoir que le Troisième Temple n'apparaisse pas au même endroit. Et ce n'est pas seulement une vue de l'esprit, c'est marqué dans les prophéties* qui disent que ''le premier Temple sera construit et sera démoli, le deuxième Temple sera construit et sera redémoli, et le Troisième Temple sera construit et ne sera plus jamais redémoli''... >>
<< Je ne sais s'il faut en parler ou non, car ce n'est pas l'objet de notre approche qui est une approche de paix, de shalom, mais... c'est quelque chose qui va se passer : les troubles actuels marquent le début de la guerre de Gog et Magog** qui va, malheureusement, faire de nombreuses victimes. […] À ce moment-là le Temple va se reconstruire, purifié, pour la paix et le bien du monde entier ; alors les Justes des nations se réveilleront en disant ''mais c'est la seule solution'', puisque nous n'avons pas trouvé jusqu'à présent de solution politique... >>
Question du P. Venard : ''Si la venue du Messie est nécessaire pour que le sacerdoce légitime soit rétabli, ne vaudrait-il pas mieux attendre qu'il soit venu, avant de penser à rebâtir le Temple ?''. Réponse de M. Rosenfeld :
<< Nous pensons différemment : aide-toi et le Ciel t'aidera ! >>
Puis il déclare ceci, qui semble contredire la réponse précédente quant à l'ordre causal et chronologique des événements (le Temple avant le Messie, ou l'inverse ?) :
<< Pour le monde juif Jésus ne peut pas être le Messie puisque les prophéties d'Isaïe disent que le jour où le Messie sera là, le Temple sera reconstruit et ne pourra plus jamais être redémoli... Si Jésus avait été à l'époque le Messie, le Temple serait encore debout. >>
Selon le quotidien Haaretz, le tapage croissant autour du ''Troisième Temple'' a pour seul effet de ''nourrir l'extrémisme religieux du côté palestinien''. Le 29 octobre, le rabbin Yehuda Glick, actuel animateur de l'Institut du Temple, a été grièvement blessé par un militant palestinien du Djihad islamique.
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* M. Rosenfeld ne précise pas lesquelles.
** Ezéchiel 38-39. Cependant : 1. le nom (mythique) ''Gog-Magog'' pourrait bien être un cryptage du toponyme (mythique) ''Babel'', symbole d'une superpuissance persécutrice ; 2. il s'agit (Ezéchiel 38,16 le dit mot pour mot) d'une prophétie de la fin des temps : non d'une victoire militaire de Tsahal sur des Arabes à la suite d'une judaïsation de l'esplanade des mosquées. Seule une lecture décontextualisante pouvait en 2002 (et peut en 2014) appliquer Ezéchiel 38-39 aux ''troubles actuels''... Mais cette lecture est commune aux extrémistes religieux israéliens et aux fondamentalistes protestants américains.
20:04 Publié dans Proche-Orient, Terre Sainte | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : israël, palestine
Commentaires
> M. Rosenfeld ne sait-il pas ce que disent les évangiles et les lettres de Paul ? Jésus est par son corps le nouveau temple et nous même, sommes les membres de ce corps.
Qu'il n'y adhère pas (ce qui est parfaitement respectable) est une évidence, sinon il serait chrétien. Mais se peut-il, puisqu'il parle de Jésus (le journaliste avait-il seulement prononcé ce nom en évoquant le Messie ?) qu'il soit à ce point ignorant de ce qu'il évoque ?
Par ailleurs, il me semblait que pour que le troisième temple soit construit, il y avait une histoire de génisse spéciale très difficile à trouver (rousse de la tête aux sabots et sans une seule tache passés trois ans) pour que les rabbins puissent accomplir le rite de purification.
Des éleveurs américains cherchaient par les meilleurs croisements à créer cette génisse. Y sont-ils parvenus pour envisager ce 3ème temple ? Ou est-ce comme pour le Messie, "aide toi et le Ciel t'aidera" ?
Quelle est, sur la question de la construction du 3ème temple, la position des ultra ultra orthodoxes qui considèrent l'existence actuelle de l'Etat d'Israël comme un blasphème ?
LR
[ PP à LR :
- La question du Christ ("le temple de son corps") est soulevée par le P. Venard au cours de l'entretien, et M. Rosenfeld y oppose - mais sans polémique - la position du judaïsme à ce sujet.
- La question de la "vache rousse" est abordée également, et M. Rosenfeld souligne son côté problématique. Ainsi que la difficulté de retrouver les descendants des familles sacerdotales.
- Les ultra-ortodoxes anti-sionistes considèrent le "Aide-toi, le Ciel t'aidera" (en fait un dicton völkisch allemand : "Hilft dir selber, dann helft dir auch unser Herre Gott") comme une fâcheuse influence païenne sur des juifs religieux. ]
réponse au commentaire
Écrit par : LR / | 09/11/2014
>
L’amour, la charité, c’est ni plus ni moins que la volonté de construire dans tous les sens du terme, soit notamment en matière relationnelle. Au terme de notre « séminaire de formation » qu’est en définitive notre vie présente, on en saura plus sur nos aptitudes, pour passer à l’étape suivante, au moment de notre mort. Car, notons-le, la création semble en « stand by », lorsque l’on veut bien considérer notre environnement cosmologique. Mais pour que tout ce futur ne dégénère pas, il faut des artisans sûrs, d’où la nécessité, dès ici bas, d’apprendre. D’apprendre notamment au travers de nos échecs et de notre folie, pour peu que le cynisme ou l’aigreur n’étouffent pas notre conscience au moment crucial où il faudra se positionner définitivement, moment crucial ultime au moment de notre mort ?
Quant à l’épopée collective, la providence veille et en règle les temps alloués aux uns et aux autres. Un temps est donné pour telle civilisation, un autre pour telle autre et ainsi de suite. Les expériences, totalement libres, sont variées à l’intérieur d’une temporalité contrôlée.
La trinité est une hérésie pour le judaïsme, et on le comprend fort bien, car en observant la Torah écrite sur ce sujet, on ne peut pas dire que cette affaire d’un « DIEU UNIQUE en trois personnes» apparaisse clairement, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est Jésus qui nous l’a fait comprendre de la manière la plus explicite. Aussi, le judaïsme a-t’il expurgé de sa tradition tous les éléments hellénistiques, notamment la traduction de la bible dite des septante, et on le comprend également fort bien vu notamment tout ce qu’ils ont souffert sous l’emprise des grecs.
Car la trinité apparaît également d’une certaine manière dans la philosophie grecque, au point, que si on ne croit pas à la tradition orale des juifs qui suivaient Jésus de près (ces témoins oculaires de l’événement de Jésus ressuscité notamment), mise ensuite par écrit et que l’on appelle le « nouveau testament » - en fait de « nouveau testament », c’est ni plus ni moins qu’un « midrash » par le Maître Jésus (qui s’est présenté comme étant le Verbe incarné, que le phénomène tout de même peu banal de la résurrection, suivi d’une présence physique de plusieurs semaines, n’a pu qu’en prouver l’authenticité) de la Torah écrite – on peut légitimement penser que cette histoire de trinité est une invention grecque, païenne, qui n’a rien à voir avec la révélation transmise notamment par Moïse en son temps. Et partant, si la résurrection est fausse, cela détruit la prétention de Verbe incarné de la part de Jésus, il devient une créature humaine.
Maintenant, on peut aussi penser que ces témoins ont menti sur la résurrection de Jésus et que tout a été monté de toute pièce pour revivifier une tradition païenne, et tant qu’on y est on peut dire aussi la même chose de Moïse dans ses relations avec DIEU, car tout cela n’est pas prouvable autrement que par des témoignages.
Quant au messie, les chrétiens et les juifs ne parlent pas de la même chose. Pour les juifs, ce sera un homme politique, un être humain de la dimension de David qui ramènera tout son peuple en Eretz Israël, ensuite (certains évoquent une quarantaine d’années plus tard), il y aura la résurrection des morts (c’est ici que chrétiens et juifs se rejoignent).
Et ce n’est pas parce que les chrétiens, les catholiques en particulier, ne voient que le Verbe incarné et le jugement dernier, qu’il n’existe pas d’autres étapes intermédiaires qui leur auraient échappé… pour l’instant. L’article 676 du CEC condamne une certaine forme de millénarisme, mais sur le fond, reste silencieux et cela se comprend, car personne n’en sait rien et c’est ici le charisme de la prophétie, à savoir, voiler les choses certaines. Ces dernières n’apparaissant évidentes qu’après leur réalisation, mais avant, c’est du brouillard.
Alors, pour le troisième temple, la providence saura bien nous faire découvrir le moment venu ce qu’elle aura décidé.
N’oublions pas que l’exil national des juifs est terminé depuis 1948. Certains ont mis trente quatre ans pour reconnaître – officiellement – cette réalité (contre, de la part des mêmes, trois minutes, sept secondes et trois douzièmes, pour reconnaître certaines intentions – soit une manière bien étrange en matière d’application de la vertu de prudence).
Alors qu’en sera t’il ? Mystère et boulle de gomme.
Wait and see.
jean
[ PP à Jean - Belle fresque, mais (par exemple) : ou voyez-vous dans l'hellénisme quoi que ce soit qui ressemble à l'UniTrinité ? Autre exemple : ne croyez-vous pas que la censure de la Septante par le néo-judaïsme du IIe siècle s'explique par autre chose que le lointain souvenir d'Antiochos Epiphane ? Etc. ]
réponse au commentaire
Écrit par : jean / | 09/11/2014
DROLE DE COINCIDENCE
> Drôle de coïncidence entre cette actualité et les lectures liturgiques de ce dimanche qui tournent autour du temple !
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Écrit par : Aurélien Million / | 09/11/2014
RÉCONCILIATION ?
> Rappelons que le superbe Dôme du Rocher a été construit par des chrétiens, même si c'est pour des musulmans. Ça a une importance patrimoniale, mais aussi une importance symbolique de collaboration des religions.
Je ne vois pas pourquoi des chrétiens voudraient sa destruction et la construction d'un troisième Temple.
Penser que cette construction amènerait la paix est du fétichisme, de l'idolâtrie ou de la superstition, je ne sais pas comment appeler une telle niaiserie.
Le mieux serait que l'édifice actuel devienne le troisième Temple dans un contexte de réconciliation religieuse.
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Écrit par : Guadet / | 09/11/2014
JÉSUS LUI-MÊME
> L'interview de ce juif fondamentaliste est frappante. Il a beau jeu de dire que Jésus ne serait pas le Messie puisque le 3ème Temple - éternel selon la Bible - n'existait pas à son époque, c'est oublier que le Nouveau Temple, le Temple justement éternel, c'est Jésus lui-même. Et cela, le Nouveau Testament l'enseigne clairement.
Bref, le 3ème Temple ne sera pas bâti par eux car il existe déjà, et pour l'éternité.
En revanche, ces fous seraient bien capables de déclencher une guerre aux milliers de victimes pour satisfaire leur propre volonté et non celle de Dieu.
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Écrit par : Xavier / | 10/11/2014
LE COEUR
> Hé oui le coeur a une conception chrétienne : 12 colonnes, double déambulatoire ! Confère : http://www.lesclesdumoyenorient.com/Dome-du-Rocher.html
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Écrit par : franz / | 10/11/2014
AUSSI DE LA POMME
> En lisant certains commentaires, au demeurant fort intéressants.
Ce n’est, semble t’il, pas demain la veille que l’inertie séculaire de la théologie dite « de la substitution », d’essence en réalité essentiellement « balaamique » (comprenne qui voudra ou pourra), va revenir à sa place, c’est-à-dire au placard des voies sans issues.
Vatican II a ouvert la voie au redressement théologique, il est normal que cette évolution prenne du temps tant sont puissantes les idées reçues martelées depuis des siècles.
Mais le temps est compté, on ne peut indéfiniment vivre « hors sol » - le « hors sol » qui est celui de la rêverie des calculs géostratégiques plus savants les uns que les autres.
Dans un autre ordre d’idée, celui de l’enseignement, le « ciel », c’est très bien, mais pour reprendre une formule humoristique tirée du film « les Tontons flingueurs » : il y a aussi « de la pomme ». Ne pas confondre continuité et substitution.
Mais c’est à ceux mandatés pour enseigner d’ouvrir les esprits, tâche sans nul doute fort redoutable, car il y a aussi sans doute un temps pour cela, car avant la maturité des temps, le danger de l’incompréhension avec son cortège explosif n’est pas illusoire et le monde est déjà suffisamment enfoncé dans la folie meurtrière sans en rajouter.
Qui va nous tirer de là ?
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Écrit par : jean / | 11/11/2014
UN EN TROIS
> Que Dieu soit Trinité, devrait être plus facile à accepter de nos jours car nous savons maintenant qu’il est un objet naturel que nous côtoyons continuellement qui est un en trois, et cet objet c’est l’univers lui-même.
Que nous disent les physiciens ?
Qu’il y a trois grandeurs physiques dans l’univers, ou plutôt trois dimensions, irréductibles l’une à l’autre et pourtant reliées deux à deux par trois lois physiques auxquelles sont associées les trois constantes fondamentales de la physique, de telle sorte qu’aucune n’a de sens sans les deux autres.
Les dimensions sont l’espace, le temps et l’énergie.
Les lois physiques sont :
-l’expansion de l’univers qui relie le temps et l’espace et qui est mesurée par la vitesse de la lumière,
-la gravitation elle aussi associée à sa constante universelle de proportionnalité entre la courbure de l’espace et la densité d’énergie,
-la troisième, la plus subtile, qui fait que l’univers n’est pas un chaos est la quantification de la relation entre le temps et l’énergie, caractérisée par la constante de Planck..
Une remarque en passant: le principe de quantification donne raison à saint Augustin qui notait déjà que s’il n’y a rien, il ne se passe rien et le temps n’a pas de sens.
Sur un autre plan, il redit que Dieu a créé le monde avec le temps, le temps ne pouvait exister avant le monde sans quoi il se fut déroulé un temps vide de la volonté créatrice de Dieu !
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/11/2014
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